• Deux heures à marcher sur le Mont Royal, hier.
    Cet endroit est pleins de secrets, de drames cachés, de surprises.
    Par exemple, il y a une espèce de structure en métal représentant un homme, grandeur nature, descendant en rappel un arbre, à 5-6 mètres du sol. Sauf que... la structure rouillée représente un squelette recouverte de lambeaux de tissus. De loin, on croit voir une charogne humaine.
    En été, la structure est cachée par les branches et les feuilles, et est invisible si on ne sait pas où regarder. En hiver... elle se confond avec les branches nues.

    Hier, j'ai vu un bouquet de fleurs artificielles attaché par du ruban rouge à un arbre, dans un endroit retiré. Je suis allée voir : pas de mots, pas de croix. Rien. Pourquoi ces fleurs ? J'ai imaginé que ce témoignage muet était pour commémorer la première fois, pour un jeune couple...

    Intriguée par une tâche rouge au milieu de sapins, dans les hauteurs d'une falaise, j'ai trouvé deux duvets en train de pourrir, sous un rocher énorme faisant office d'abris naturel. Tout près, une pierre dressée, ronde, avait été bombée et ressemblait à une espèce de portail ésothérique.

    J'ai aussi croisé deux hommes qui nourissaient des oiseaux. Des petits oiseaux aux plumes gris-bleus. Le premier, équipé de fringues de marques, avait une tête d'ange, une gueule de premier de la classe, sage, à ne pas vouloir faire de vagues. Je l'ai détesté tout de suite. Il était sur le bord du large chemin qui monte le long du Mont Royal, immobile, une main tendue devant lui, des graines dedans, que venaient picorer deux ou trois oiseaux.
    Le second était sur un chemin moins fréquenté. Plus pauvrement vêtu, aussi. Il marchait vite, avec des oiseaux qui volaient en avant de lui, et qui plongeaient de temps en temps vers sa main quand son poing s'ouvrait. Il ne m'a pas regardé. Il ne regardait rien. Ni les oiseaux, ni les arbres, ni la falaise. Juste le chemin devant lui, qu'il parcourait rapidement.
    Je me demande encore pourquoi il allait si vite...

    Et puis... je pensais au livre que je lis. "Notre Jeu", de John Lecarré. Le personnage principal a sur sa propriété une vieille chapelle, et dans cette chapelle il a découvert une pièce secrète dans laquelle il s'enferme.
    J'aimerais bien avoir une pièce secrète, moi aussi. Un lieu caché, une cabane au fond des bois, invisible, insoupçonnable. Un endroit sérieux.
    Au pied du Mont Royal, il y a un hôpital, avec pleins de toits, de petites tours, de petites terrasses. Je me suis demandée, bien sûr, si les petites tours étaient purement décoratives, ou sinon comment y rentrer... et ce qu'elles habritaient.
    Il parait que la basilique St Jean, à Lyon, est truffée de passages, comme ça. Des portes cachées sous des tentures, des escaliers si étroits qu'une seule personne ne peut les emprunter à la fois, etc.

    Je suis une femme enfant.


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  • Il neige.
    Il neige avec cette ferme détermination de tout recouvrir, tout masquer, tout cacher, et tendre un voile qui aténuera les sons, les bruits.

    Ce matin, j'ai pris ma douche en ouvrant la fenêtre. L'air froid en rentrant se condensait en une vapeur lourde et opaque. J'ai presque cru être dans un nuage. Je me suis demandée si l'air froid en rentrant chassait l'air chaud de la douche, donc si "de la fumée" sortait par la fenêtre. Parce que si de l'air froid entre, il doit sortir "autre chose", donc de l'air chaud. Enfin je sais pas. J'imagine. A moins que l'air chaud ne se refroidisse tout simplement, sans sortir. J'ai bien essayé de voir dehors, mais les volutes de fumée étaient telles que je ne voyais pas mes mains, les bras tendu devant moi...
    Des fois je me dis qu'en physique j'aurais du me concentrer un peu plus...
    Des fois je em dis que des secrets simples de la vie m'échappent.

    Il neige, avec cette ferme intention de nous isoler chacun dans notre bulle, notre silence, nos pensées.
    Et j'ai envie de mettre mes bottes, mon blouson, et de partir sur un chemin, seule, à écouter les flocons tomber, regarder les oiseaux "nager" dans la neige qui tombe (on ne dirait plus qu'ils volent...).
    Marcher, marcher, marcher, sans rencontrer âme qui vive (à part quelques animaux). Puis m'asseoir au pied d'un arbre, ou sur un tronc abatu, et laisser la neige me recouvrir petit à petit. Sentir les flocons fondre sur mon visage, ou me coller aux cheveux.
    M'asseoir, et penser à lui, qu'il soit très loin ou très près, peut m'importe !
    Mais rêver qu'il pense à moi comme je pense à lui.
    C'est important le rêve.

    Il neige, et je me blotie dans mon pull et sur ma chaise de travail, comme on le fait dans une couverture devant un feu de bois.


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  • Une après-midi à la bibliothèque, hier, m'avait tuée. Alors avant de rentrer, j'ai voulu faire le tour d'un parc qui est proche de mon appart., pour me sortir de la torpeur.
    Il avait neigé. 2-3 cm couvrait le sol, sans pour autant recouvrir totalement l'herbe. L'air était froid.
    Le vent apportait un parfum de Marijuana et de feu de bois...
    J'ai médité. J'ai réfléchis. J'ai pris des décisions.

    Et puis j'ai vu un berger, de loin.
    Un homme, vieux, sans doute, vu sa démarche (bien qu'assurée), avec un long bâton dans la main.
    J'ai immédiatement cherché les moutons... en plein Montréal... pour finalement voir 4 chats qui suivaient ce drôle de berger.

    C'était un vieil Italien, qui marchait appuyé sur une sorte de gratoir à 3 dents à long manche, et dont les chats s'appellaient "Georges Bush", "Sylvio Berlusconi", "Carlos" je-sais-plus quoi (le mari de la reine d'Angleterre), et "Vladimir Poutine".
    Pendant qu'on parlait, les chats se roulaient dans la neige, jouaient à se battre, à se courir après. Quand j'ai pris congé du berger, il est partit vers sa maison, et les chats ont suivi.

    J'ai raconté ça à mon chat... qui n'a rien compris.


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  • Il y a un petit poème que j'avais apprise quand j'étais gamine, qui parlait d'un chat qui se réveillait et qui regardait tomber la neige.
    Je me souviens que ça disait à un moment :
    "Il a neigé dans l'aube rose, si doucement neigé que le chat noir croit rêver."

    Il neigeait doucement sur Montréal ce matin.
    Il y avait "Kashmir" de Led Zep' à la radio. Ca m'envoutait, comme ce poème d'enfant.



    Bérénice





    ps : pour ceux et celles qui arrivent sur ce blogg, voyageurs de hasard ou réguliers pélerins, ReveK vit toujours.
    Il a voulu prendre du recul, acheter du temps.
    Le blogg est curieux : il y a une sorte de tourbillon qui vous emporte. C'est votre journal, votre espace, vous le prêtez comme on offre une fleur, tendrement, timidement. Vous riez sur ses pages, vous pleurez dessus. Et quand pleurer soulage, vous baissez votre garde, vous dégrafez votre armure, et vous vous montrez nu(e). Et le regard des autres peut alors vous blesser.
    Il n'est pas question ici de vouloir régler des comptes avec certains commentaires. Je crois sincèrement que l'on est au dessus de ça.
    Mais si une fille a été violée, pourra t-elle finir sa vie en oubliant la honte, la rage, l'impuissance, et réussir à ne faire comme si de rien n'était ?
    Mais si garçon a eu la jambe arrachée par une mine, pourra t-il se dire "Je vais courir, comme si de rien n'était" ?
    Certain(e)s d'entre nous ici avons été violé(e), ou avons un membre arraché. Bien sûr, pas forcément littéralement. Alors s'est greffé à notre corps une armure, des épines, des bracelets cloutés, des armes (dans les yeux, sur les poings), des masques...
    Ce sont ceux que j'appelle les "loups blessés".
    Ceux dont le coeur et l'âme sont fendus, parfois depuis très jeunes.
    Ceux qui offrent des fleurs dont la tige a des épines, qui ont serré dessus le poing trop fort pour ne pas pleurer et qui macculent de sang leurs présents.
    Ceux qui s'isolent pour lècher leurs plaies, à l'abris des regards.
    Ceux qui tentent dans un dernier effort de survivre.

    ReveK devrait revenir écrire ici. Il m'a pour le moment laissé la garde de cet espace.
    J'ai renouvelé ma provision de photos de Moebius, piquées à droite et à gauche, et j'ai l'intention de continuer d'écrire quelques textes ici en attendant son retour. J'ai l'intention aussi de continuer "La chevelure de Bérénice", du nom de cette constellation magnifique.

    Et ReveK a vraiment eu le ventre plein de sang, ce n'était pas une image. Une vieille maladie, comme un viol, comme une amputation, et qui refait surface "comme un noyé", et qui oblige le loup blessé à se retirer.
    Et il remercie chacun de vous pour vos pensées, vos commentaires, vos soucis à son sujet. Je le vois même sourire, quand je lui raconte...
    Merci.


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