• L'homme failli rater son contact. Il faut dire que l'autre attendait sous l'ombre trouée de lumière d'un arbre. Et sa veste de combat n'aidait pas les choses.
    Il détestait les contacts. Il aimait travailler seul. Lorsque l'autre s'assit sur le siège du passager, l'homme sentit l'odeur caractéristique d'huile et d'ozone.
    Il démarra. Il lui fallait trouver un coin tranquille pour passer la nuit, et mettre son plan au point.

    Le midi fourmille d'endroits charmants, petits villages pitoresques dont la seule économie est le tourisme, villes balnéaires dont la population se multiplie par 10 dés le mois de Mais venu. Mais il cache aussi d'autres endroits tout aussi charmants. Seillons, par exemple(*). A quelques kilomètres, il y a un site connu sous le nom de Cascade de Seillons, qui convenait parfaitement à ses projets. Le trajet se fit en silence.

    "- On s'arrête ?
    - On va passer la nuit là-bas. Je connais l'endroit. On y sera tranquille, et puis je pourrais réfléchir...
    - Tu connais l'endroit ? Vraiment ?
    - Il y a deux maisons en ruine, avec devant les vestiges d'un jardin. Deux palmiers sont palmiers sont encore plantés là... Il y a même une niche creusée dans la falaise calcaire. Mais c'est plus loin que l'on va. Là où la vigne était cultivée, avant. La place est facilement défendable, au besoin."
    Le problème, avec les contacts, c'est qu'ils ont besoin d'informations. D'énormément d'informations. Et ils aiment la précision...
    "- On laisse le véhicule ici ?
    - Oui. Il y a un sentier de randonnée qui passe par ici, et les curieux penseront qu'il s'agit de randonneurs.
    - La police aussi ? Le véhicule est-il volé ?
    - Le véhicule n'est pas volé. Enfin... j'en sais rien, j'ai vu la conductrice se dématérialiser. Elle me suivait depuis Marseille. Elle avait retrouvé ma trâce je ne sais comment, et au moment de sortir de son véhicule, elle a disparu. J'ai récupéré le véhicule, l'autre étant endommagé.
    - Endommagé ? Pourquoi ?"
    La conversation se continua ainsi jusqu'à qu'ils arrivent sur le coteau étagé par les cultures abandonnées. Les petits morceaux d'informations étant assimilés, triés, comparés, acceptés ou rejetés.
    Le contact se dirigea immédiatement vers un vieux tracteur.
    L'homme, lui, descendit quelques paliers de terre, s'assit et ferma les yeux.
    L'odeur de l'herbe rase, de la sève et des pierres l'ennivraient. Il se perdait dans un océan de souvenirs, d'anciens désirs. Un mélange d'où émergeait tantôt une bouffée de haine, tantôt une pensée si douce et si tendre qu'elle appaisait, lui semblait-il, tout son être.
    Son plan lui apparaissait toujours clairement. Il voulait aller rechercher cette fille, connue avant la guerre. Et il l'emmenerait dans un de ses endroits solitaires qu'il connaissait, comme celui-ci. Et il vivrait tranquille. Un peu naïf, certes, mais après tous ces combats, ces morts, ces horreurs, il avait pu se rendre compte que chaque homme ou femme aspirait à la même chose. La paix et la tranquilité. Sans un bruit. Sans sifflement ni crépitement... Mais premièrement...
    Il se redressa brusquement, ses sens en alerte. Crépitements ? Quelque chose crépitait dans le coin... un peu au dessus de lui. Le son était ténu. Il sortit son arme, fouilla rapidement dans son sac pour en prendre son ceinturon. Il l'ajusta puis actionna son armure LCD, et devint invisible.Les capteurs reproduisaient parfaitement les formes et les couleurs qui l'entouraient sur le champ holographique créé par le ceinturon. Seuls son ombre et des mouvements le trahiraient.
    Il avança lentement en direction du son, et trouva son contact étendu à côté du tracteur. Le capot était encore ouvert, et la batterie, retirée de son logement, était posée à terre. Deux fils plongeaient dans les entrailles du contact qui se convulsait. L'homme désactiva son armure, et la tête du contact se tourna vers lui.
    " Hey ! Il restait un peu de rongeasse dans la vieille batterie... "
    L'homme tirant presque à bout portant, la tête du contact fut à moitié arrachée.
    "Tchaga !" marmonna t-il.
    Ras le bol des androïdes qui se shootent à la rongeasse. Se créer un sur-voltage temporaire des circuits à l'acide de batterie... pas étonnant qu'ils pêtent tous un boulon un jour au l'autre...
    Sa main lacha le pistolet dans un accès de souffrance. Il la regarda, et vit une tache noire sous la peau. Il prit son couteau et insisa. Une puce électronique qui avançait toute seule... qui marchait... sortit tranquillement, libérée des chairs. Elle tomba sur le sol.
    L'homme choisit de ne pas la détruire. Mieux vaut en effet un mouchard actif qui informe de n'importe quoi, qu'un mouchard mort que l'on doit remplacer.

    Bien, sourit-il... Maintenant que le premièrement est réglé... je vais chercher la fille.





    NDL :
    (*) Si vous cherchez sur une carte, dans le Var, à 4.5km au Nord de St Maximin la Ste Baume, routeD560.


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  • 7.

    Chapitre 7...

    La femme derrière le bureau se repassa en boucle trois ou quatre fois le rapport de Laïla. Ses mains la facinaient. De vrais petits papillons... vraiment. Mais c'est des pinces qu'il lui aurait fallu, pas des papillons... Des grosses pinces de crabe pour attraper le contact ! Encore raté le contact...
    Encore, encore, en-co-rra-té.
    Dé-pri-mant.
    Elle appela par l'intercom le Chef du Service Technique, qui entra dans le minuscule bureau quelques secondes plus tard.
    "-Oui Control ?
    - Votre bijou a raté le contact.
    - Oui, j'ai lu le rapport...
    - Et c'est la faute de ses mains ! Ses mains ! vous entendez ! Comme des papillons... comme des papillons..." Control agita lui aussi ses mains... mais plutôt comme de grosses mouches, pensa le Chef du service technique.
    "- Oui, bien sûr, Control. Mais c'est vous qui vouliez de la légèreté dans cette affaire... de la finesse...
    - Oui mais... des papillons... !
    - A propos, nous suivons le contact. Il se dirige vers Toulon, Nice, etc. Il a volé une auto, débranché le GPS embarqué et le système de guidage GEO, mais la puce implantée, elle, fonctionne.
    - Bien. Très bien... Au moins quelque chose qui marche... Ah ! Et puis, à cette gourde de Laïla vous lui grefferez des pinces à la place des papillons, hein ? Je ne veux plus voir de papillons... Plus de papillons !
    - Très bien Control. Des pinces...". Le chef du Service Technique sortit. Elle n'avait pas dit que la puce... ben... elle marchait... c'était justement ça le problème...

    St-Raphaël borde la Méditérannée et juste derrière se dresse le Massif de l'Estérelle. Un massif de terre rouge et de pierres de calcaire blanc comme des os. L'homme savait que cet endroit solitaire allait lui permettre de remettre un peu d'ordre dans ses pensées. Car en sortant du bar, il avait de la peine à se souvenir de quoi que ce soit. Il voulait aller voir le port, puis avait vu cette voiture, et... il ne savait plus. Le dessous du tableau de bord était à moitié arraché, sa main droite lui faisait mal, et après avoir saigné du nez il souffrait maintenant d'une migraine. Il ne comprennait pas les derniers évènements. Il lui semblait que certaines choses échappaient à son contrôle. Il lui fallait dormir. Et manger. Il avait faim. Encore. Il regarda l'heure... 17h00. Dire que les Français ne mangent pas avant 19 ou 20 heures...
    Et cette douleur dans sa main... Une douleur qui progressait tranquillement vers les doigts, entre le majeur et l'index, très exactement...




    Les chapîtres précédents sont toujours soit chez CarpeDiem, soit chez Dulci (Cher Journal). Cliquez sur le Blogroll pour y aller :)


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  • 4-

    Au début il avait cru que c'était une fée. Pas un modèle de combat, bien sûr, mais au minimum un modèle d'escorte, ... de plaisir peut être. Il avait fait la grimace. Maintenant... il avait un goût amer dans la gorge.
    Et il se sentait sale.

    Elle s'était levée, et lui avait demandé d'une voix douce s'il y avait de la place au comptoir pour elle, et sans attendre la réponse, s'était assise. Elle sentait le muguet... une odeur qu'il avait presque oubliée.
    "- Vous êtes soldat ?
    - J'étais."
    Il n'avait pas envie de parler. Son verre n'était pas terminé, et il ne voulait pas le finir rapidement. Il voulait trouver pour chauqe gorgée le bon moment.
    "- Fin d'engagement ?
    - Démission.
    - Oh ! Je vois..."
    Il eut envie de lui demander ce qu'elle voyait, au juste.
    Il se contenta de tourner lentement la tête et plonger un regard éteint dans son regard à elle. Il y trouva quelque chose de doux, de confiant, et en même temps une petite ombre, comme perdue. Elle baissa les yeux, sage. Elle connaissait la suite... Et elle sourit au-dedans quand l'homme commença...

    "J'étais dans une section RD. Notre mission était officiellement de pacifier... C'est à dire de rechercher et détruire les snipers. Pas les snipers-machines, juste les humains... Les putes.
    Cette fois, c'était le tour d'un jeune, encore un gamin, les yeux tout grand ouvert sur la vie, de servir d'appât. Il a enlevé son armure LCD, débranché ses brouilleurs, puis il est descendu lentement vers des ruines, en se retournant plusieurs fois vers nous. Nous, on suivait de loin, selon les procédures... en LCD-ON.
    Finalement... ... on a entendu tirer. Sans pouvoir déterminer la direction. Quelques minutes plus tard, on a entendu un hurlement. Une plainte. Comme un trait de douleur pure qui s'élèverait dans le ciel.

    On a trouvé une fille qui tenait le corps du gamin dans ses bras, le dos tellement cabré vers l'arrière que j'ai cru qu'elle allait se casser en deux.. Deux rigoles de larmes avaient creusé la poussière et le maquillage de camouflage. Et elle hurlait. Elle hurlait. Sans s'arrêter. Mes hommes lui gueulaient de se taire, mais elle n'entendait rien. Ils l'ont fait taire d'une balle dans la tête.
    ... En la fouillant, j'ai trouvé la photo du gamin."

    Il laissa le silence trouver la conclusion qui s'imposait, puis en finissant sa bière d'un trait - c'était le bon moment - il lui cracha "et maintenant que tu as eu ta dose de sang tu dégages.".

    Elle s'était levée, le visage en feu, avait déposé un billet-plastique sur le comptoir et était sortie.
    L'homme avait payé à son tour sans un regard pour le barman, et son sac sur l'épaule s'était retrouvé sur le trottoir.
    Un goût amer dans la gorge.
    Parce que cette dernière phrase, il l'avait dite qu'elle pleurait déja, cette fille.
    Il avait cru que c'était une fée... Il se sentait sale.

    La gare ou le port ? Le port ou la gare ?

    Il choisit le port. Pour aller vomir dans l'eau noire.


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  • 1.

    Le port.

    Un port, c'est d'abord le son.
    Le son des câbles d'acier cognant contre les mats de métal. Cette petite musique presque répétitive, tantôt grave, tantôt aiguë, qui varie au gré du vent.
    Il y a aussi le claquement sec des drapeaux, celui plus sourd des vagues contre les coques et le quai, sans oublier les marches vaseuses qui sombrent dans les eaux noires...
    Un port, c'est d'abord le son, avant les odeurs.
    C'est à cela que pensait l'homme, debout au bord du quai. Il était toujours surpris de l'absence d'odeurs de friture. Car dans son imaginaire, un port sentait la friture. Peut-être plus vers midi, pensa t-il. Il regarda sa montre. Dans quelques minutes il serait 15 heures...

    Il leva le nez pour sentir le sel dans le vent qui venait du large. Il avait du temps. Beaucoup de temps. Il aurait bien sûr à acheter son billet de train, mais pour le moment, Marseille allait lui offrir quelques heures de tranquillité, quelques heures où il allait pouvoir perdre son temps, au milieu d'inconnus (se serait le comble s'il rencontrait ici une connaissance...).
    Il se décida à bouger. Le vent était encore trop frais à son goût. Après tout, on n'était qu'en Avril...
    Et puis il avait faim.

    6 commentaires
  • Petit jeu lancé par EclatDuSoleil (CarpeDiem)... un cadavre exquis. Il a été décidé que je commençais les hostilités... alors voilà.


    Lien pour EclatDuSoleil : http://www.blogg.org/blog-1619-themes-23495.html

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